©SLP ISSUE 003
Vivre à l'intérieur de
son propre travail :
Entretien avec Alejo Palacios
Il l'a achetée alors qu'elle n'était qu'une ferme délabrée, mais ce fut le coup de foudre : "J'ai été fasciné par la vue, entourée d'oliviers et de montagnes. J'étais fasciné par la vue, entouré d'oliviers et de montagnes. Il était clair pour moi qu'il fallait que ce soit ici". La Martita, son œuvre la plus personnelle ; sa maison et son atelier.
Alejo nous accueille à La Martita avec son gilet d'artiste éclaboussé de gouttes de peinture et avec un bon petit déjeuner que nous ne prenons qu'à 13 heures. Pour lui, la vie méditerranéenne se résume à cela : profiter de chaque instant dans le calme et la tranquillité, sans se presser. Nous sommes assis dans le patio, profitant du soleil intense de janvier, avec pour seul bruit de fond celui des oiseaux. Mais surtout, nous sommes entourés d'un calme qui n'a rien à voir avec l'agitation à laquelle Alejo était habitué à Buenos Aires, sa ville natale.
"...voir des œuvres qui, sans que je puisse encore les comprendre, commençaient déjà à éveiller ma curiosité".
L'artiste argentin raconte que l'un des endroits où il a trouvé ce calme dans son enfance et où il a découvert sa grande passion pour l'art était l'atelier de sa mère : "J'allais la voir travailler dans son atelier ou je l'accompagnais à des expositions d'art. J'ai le souvenir, depuis mon enfance, de me promener dans les pavillons des musées et de voir des œuvres qui, même si je ne les comprenais pas encore, commençaient déjà à éveiller ma curiosité".
LA MARTITA
Il l'a baptisée ainsi en hommage à sa mère Marta et à son grand-père, car il utilisait ce diminutif affectueux lorsqu'il vivait avec eux. Ils lui ont tous deux appris que la seule façon de poursuivre ses rêves était de les réaliser, et c'est ce qu'il a fait. Il décide de prendre l'avion pour Barcelone afin d'entamer une nouvelle étape en tant qu'artiste, car il a toujours éprouvé une grande admiration pour les grands peintres catalans : Dalí, Miró...
Mais après quelques années passées dans la capitale, il est devenu très curieux des paysages et de la tranquillité de Tarragone. Il a donc enfourché son vélo et visité plusieurs maisons de la région, jusqu'à ce qu'il tombe sur La Martita : "Ce fut un coup de foudre, quelque chose d'hypnotique". L'artiste argentin s'est progressivement familiarisé avec le mode de vie méditerranéen, qu'il qualifie lui-même d'unique : "J'ai l'impression d'être dans un endroit très spécial, avec beaucoup de lumière, des oliviers et un climat très calme. Il n'y a pas de climats extrêmes ici, ce qui me permet de profiter pleinement de toutes les saisons de l'année.
"Le soleil arrive à différents endroits et cela me permet d'expérimenter de différentes manières".
Alejo parle de sa maison comme s'il s'agissait d'une œuvre de plus dans sa collection, et c'est en grande partie le cas. Son œuvre la plus personnelle, celle qui l'accompagne depuis le plus longtemps. La cabane d'Alejo fait penser à un bateau ancré dans la montagne, avec deux étages séparés par une balustrade arrondie qu'il a assemblée de ses propres mains, comme presque tout ce qui fait partie de La Martita : la cuisine de conte de fées, la curieuse lampe qui monte et descend en n'éclairant que l'espace qu'il utilise, les boîtes pour le bois de chauffage ou ses œuvres d'art qui ornent les murs blancs. Alejo a réalisé son espace de travail sur mesure, en décidant de tous les détails, jusqu'à la façon dont la lumière pénètre dans chaque recoin : "Pour moi, la lumière naturelle est très importante. Au fil de la journée, le soleil entre par différents points de la maison, ce qui me permet de créer et d'expérimenter de différentes manières".
DANS L'ATELIER L'atelier de La Martita est un espace propre à l'artiste : il est rempli de matériel de peinture, d'outils et de papiers de différentes textures qu'Alejo a collectionnés au fil du temps. Pendant plusieurs années, il a exploré des papiers provenant de différentes parties du monde : Mexique, Inde, Maroc et maintenant aussi de Catalogne. C'est là qu'il a rencontré un artisan papetier avec lequel il a créé une texture très particulière, "avec un ton de couleur qui coexiste très bien avec la peinture", et qu'il utilise dans bon nombre de ses œuvres les plus récentes.
Depuis qu'il a commencé à travailler et à vivre ici, Alejo a senti une grande évolution dans son style, qui a beaucoup à voir avec la nature et les gens de la campagne. Aujourd'hui, ses amis sont des agriculteurs d'autres générations qui lui enseignent des outils et des méthodes de travail de la terre qu'il applique ensuite dans ses peintures : "Le chemin aurait certainement été très différent si j'étais resté en ville, parce que j'aime lier mon travail à l'environnement, pour générer un langage commun".
Il explique que son inspiration lui vient lorsqu'il a le moins de ressources. Une façon de voir et de comprendre le monde qui est étroitement liée à son mode de vie à La Martita : solitaire et détendu, loin du rythme frénétique de la ville. Suivant cette même ligne minimaliste, les œuvres d'Alejo se caractérisent par la simplicité de leurs couleurs : il a commencé par le noir, très plein et intense, puis il est passé à un rouge terreux, plus naturel, et maintenant il travaille avec le blanc, une couleur qui parle de pureté, de simplicité.
Il ne sait pas encore quelle couleur il utilisera ensuite dans ses œuvres, mais ce qu'il sait, c'est que La Martita continuera d'être sa muse.